La nouvelle vie parisienne: dimanche, décembre 10, 2006

10.12.06

Ah! C'est mieux comme ça

« Bon! Ben voilà » me dis-je. Tout ceci est bel et bon, mais à quoi ça rime vraiment. Parce qu’après tout, d’avoir fait cela, à part du rangement et du propre, ça n’apportait rien. En fait. J’avais pas grandi d’un centimètre, j’étais juste un peu fatigué, pis plus trop bien certain que j’avais bien fait tout ça. J’avais un peu dérivé. J’ouvrais un peu les yeux à une heure que j’avais atteint sans l’avoir cherché, tout simplement, j’avais pas eu de journée. Mais ça paraissait normal, j’avais dès le début abandonné cette idée de journée. Un samedi c’était pour quelque un qui bosse pas comme un autre jour, pour les autres non, mais pour moi? J’étais circonflesque… J’avais les sourcils qu’avaient de la peine à me voir dans cet état, ils s’interrogeaient sur ce qui avait bien pu me prendre, comme ça, si brutalement de m’envoyer tout ce caca à faire. J’aurai mieux fait de m’étendre et de dormir, même en faisant semblant, un bouquin dans les pognes, la télé allumée ou écoutant de la musique. On choisit pas toujours ce qu’on va faire, il faut dire, même quand on en a l’occasion. J’avais fait ce choix de pas choisir, de me laisser prendre par les événements, et donc, partant de mes principes, c’était un bon choix, pas explicable, mais bon. Je laissais mes sourcils deviser, et prenais fermement en main ma zappette et commençais un p’tit tour.

Les étranges lucarnes s’emplirent de lumière, et des formes se mirent à se mouvoir et pour certaines émettre des sons, qui parfois formaient des phrases que j’écoutais très distraitement, parce qu’en fin de compte, j’étais déjà parti ailleurs. Je rerefaisais le point de ce qui venait de se produire, j’en avais l’odeur juste sous le nez. Le propre ça a du bon, ça détend, ça fait se sentir mieux, ça donne envie d’y rester dedans, d’en profiter, parce qu’on sait que ça dure pas. Tout doit se salir, à son rythme, mais c’est inévitable. Je devinais déjà les poussières qui revenaient sur le sol, les meubles, les tissus, que l’air se reposait sur tous les supports qu’il trouvait accessibles. Ca me faisait comme des ballets devant la vue, mais sans étoiles, que des coryphées bien mimines qui girouettaient au rythme des courants. Je m’en amusais. Puis décidais d’en rajouter une couche en allumant une cibiche. Entre moi et l’écran, la fumée multipliait les mouvements, donnait d’autres formes à l’atmosphère, puis aux images. Je zappais plusieurs fois, jusqu’à trouver le bon mouvement, un truc avec couleurs et des sons qui allaient bien.

Je me tournai vers le plafond, regardai l’ampoule du plafonnier, lui crachai un nuage, puis revint à l’écran, juste en tournant la tête. Première cendre sur le sol. Première salissure incomparable, celle qui donne le signal que la vie reprend. Je pris à nouveau un bouquin, un neuf, encore un, une nouvelle histoire que j’achèverai pas, je le savais. Mais qu’à cela ne tienne, a force d’accumuler des trucs sur des machins, je finirai bien par en terminer un, de truc. Je tombai bien toutefois, l’ouvrage correspondait bien à ce que j’avais envie de lui demander, un peu de temps à soulager. J’éteignis la télé et commençai ma lecture.

Vers 11h du soir, la faim me fit me mouvoir vers ma cuisine. Je pris quelques pâtes et en lançai la cuisson. Avec l’âge, l’office pastal se ritualise, on en a tellement bien intégré les gestes que ça se fait comme un automatisme, et tout y est, même le temps de cuisson, on le connaît sans avoir à surveiller l’heure. C’est un peu la suite de sa main le plat de pâtes, un outil bien poli par l’usage, presque une partie de soi. Je l’avalai devant une télé rallumée de frais. Sur la fin d’un film. L’office achevé, je lavai mes ratiches et pris le chemin de mon lit. Rarement j’ai connu chambre aussi propre, aussi saine, je sentai que ma nuit sera belle, porteuse de plein de choses positives, qu’elle sera complète, parfaite même, d’un seul tenant, qu’elle m’amènera vers les 10h du matin, avec une envie de faire des choses comme du pas commun. Que j’aurai bien séché, demain, la peau bien douce, prête aux caresses, puis une fois lavé, je sortirai pour voir le monde un peu avec des trucs nouveaux à lui demander, histoire de savoir si lui aussi il avait été bien lavé par quelque chose de bon. Peut-être aura-t-il plu cette nuit? Peut-être fera-t-il beau? Je rencontrerai des choses, je le sais en le disant. « Demain sera un autre jour » et c’était certain, pas seulement parce que c’est toujours vrai, mais parce que demain, ça sera vérifié et inscrit quelque part, dans un livre, au début d’une belle page blanche. « Ouais! Demain, ça sera un vrai putain d’autre jour! »