La nouvelle vie parisienne: lundi, décembre 11, 2006

11.12.06

Un planplan simple

C’est peut-être que j’avais rêvé de trucs spéciaux, mais mon réveil a été délicat. Dans le sens que ça s’est bien fait, en douceur, j’étais dans mon plumard comme posé dans la meilleure position possible, le dos détendu, presque avec un sourire partout dans le corps. Je reprenais quelque chose que j’avais plus eu depuis longtemps, comme une nouvelle confiance dans ce qui va advenir, la matinée s’achevait, elle, ma journée commençait, à moi, et le passage de témoin se faisait superbement. J’avais pas une envie particulière, mais je sentais que j’en aurai plein, et que des jouasses. Etirage, levage, mise en jambe et café. Par la fenêtre je matais le voisinage immédiat s’affairer. J’ai un voisin surtout qui m’inspirait le réveil, il faisait des exercices d’assouplissement pendant toute sa matinée, puis un peu de force aussi, il se posait à un demi-corps de la fenêtre, à la vue de tous et se travaillait, en douceur. Ce spectacle devait plaire aux voisines, moi il m’inspirait de faire des efforts aussi, comme lui, de découvrir mon corps muscle par muscle, ça me chantait bien, mais j’avais pas le rythme pour. J’avais pas cette cadence dans l’âme, cette quotidienneté du plaisir de faire, il pratiquait un rite que je déplaçais ailleurs. Les miens se pratiquaient assis, devant un écran, il pouvait se décomposer en une dizaine de gestes exacts, dont certains s’enchaînaient à la perfection, ils déplaçaient le temps de quelques pulsations en arrière, ils venaient presque d’ailleurs, accumulation du même qui touche un petit coin d’infini, ou plutôt qui lève un bout du voile sur ce que ça pourrait être, l’infini.

Je réflexais sur ces considérations, du kawa plein les papilles, quand je tombais sur un mèl un peu inattendu. J’avais fait la connaissance un peu par hasard d’un quelqu’un il y a de cela une bonne poignée d’années. Croisé comme ça dans la rue suite à une bousculade matinale, en revenant d’un cours, nous avions pris l’habitude de nous revoir régulièrement, une fois tous les deux ans après une fréquentation quasi quotidienne. Et le jour anniversaire était sur le point d’arriver. C’est lui cette fois qui prenait date, les deux dernières étaient sur ma note. Il m’invitait à venir faire un saut dans ses parages, sur les bords de la Loire, histoire de mettre à jour nos bases de données et pis de faire un peu la bringue, non pas qu’en souvenir du vieux temps, mais aussi pour parler avenir, parce que le sien était en train de changer à grande vitesse. Il composait une symphonie familiale avec une petite de la région rencontrée quelques années plus tôt dans le pays Basque, comme ça pendant une villégiature. En se rapprochant d’elle ils avaient fini par se trouver plein de points communs, et des fondamentaux. Pis en plus des goûts, y’avait comme une vision de l’avenir en partage, de quoi bâtir un truc qui peut tenir la route. Alors il évoquait comme un mariage, avec plein de potes. Dont moi. Il m’invitait. Dont acte.

Ca devait s’usiner dans les mois de septembre octobre, quand l’automne fait rougir les bords de Loire; il était lyrique, et plein d’une vision colorée des temps à venir. Ca mettait en joie, sa prose. Je répondais le plus enthousiastement possible, même si la perspective des amours éternelles m’est un peu brouillée. Partager le bonheur d’un pote, y’a pas mieux, ou alors c’est que des trucs énhaurmes, je positivais ma réponse avec des vœux et tout, pis des questions pour en savoir plus et si qu’on s’appelait, pis aussi faire un point de visu avec alcool et quelques amis triés sur le volet. Tout ça emballé dans un petit blabla qui résumait bien les temps passés, jusqu’à ce jour.

Je quittais mon poste d’observation des nuées électroniques pour revenir à des considérations plus hygiéniques. Une fois lavé et habillé de frais, je prenais une veste légère, la porte, l’escalier et me retrouvais dehors avec l’idée que j’avais des trucs à faire, même si le dimanche… Vers 13h, c’est fin de marché rue Lévis. Les derniers étals profitent des restes de chalands avant de plier boutique jusqu’à mardi. On négocie quelques fruits et légumes, des pains circulent devant une poignée de buveurs, le Journal du Dimanche sous les yeux. J’achète l’Equipe du jour et rejoins ces derniers. Je m’agrège pour quelques minutes à un petit groupe coincé au milieu des chaises entassées. Il me semble reconnaître deux habitués, des détendus du dimanche. Je salue l’un d’eux. Il me sourit, presque une invitation a le rejoindre, mais je n’ai pas envie de tenter le coup. Je m’assieds à une table de lui, commande un demi et ouvre le journal.