La nouvelle vie parisienne: mercredi, décembre 27, 2006

27.12.06

C'était pas la peine d'en faire un plat

J’avais un peu la trouille. Devant sa porte, ça devenait presque de la panique. En y pensant, j’en souriais. “Je vais paniquer?” Il me fallut un petit moment pour l’effacer, ce sourire, me détendre en m’envoyant des doses massives d’idées futiles et loin de mon sujet. Je devais divaguer un peu pour retrouver un peu de confiance, et surtout de l’allant. Parce que j’en manquais grave. La sonnette était prête à accueillir mon doigt. Premier échec. C’était trop vite, je devais décompresser un peu pour pouvoir actionner le machin et cherrer le truc. Deuxième échec. Ca devenait un peu lourdingue, mais en y réfléchissant bien, ça avait aussi son côté positif, elle devait venir m’ouvrir sans avoir à l’appeler. Cette simple idée me détendit presque immédiatement. Un peu à elle de bosser, me dis-je. Après tout, j’ai tout fait.

Elle vint enfin. “Ben alors?” commença-t-elle. Elle s’étonnait que je mette autant de temps pour gravir les trois étages. Quinze minutes me dis-je pour réagir, elle devait faire plein de petites choses, peut-être préparer un apéro ou un truc de ce genre, se changer pour paraître au mieux, mais in fine walou, elle avait encore sa sortie de bain, le salon était en bordel, elle regardait le télé, tout simplement, en attendant que je daigne sonner. J’expliquai vaguement que j’avais hésité, je ne me souvenais plus de l’étage, et que je n’osais pas sonner n’importe où, que je craignais de déranger un voisin et qu’après tout ça m’avait permis de retrouver mon souffle parce que j’avais beaucoup marché et qu’arrivé en bas j’étais en sueur, et comme ça j’avais séché et que j’avais meilleure mine, et que voilà j’étais un peu coquet. Elle sourit.

Elle devait faire un ou deux trucs, que je pouvais m’affaler tranquillou, qu’il y avait des trucs dans le frigo cette fois-ci et que c’était sympa de me revoir. Sur quoi je babillai un truc qui la fit me regarder directement dans l’oeil droit. Son dos disparut derrière la seconde entrée du salon. Je pris mes aises. Elle était pas là la télé la dernière fois. Peut-être ne l’avais-je pas vue, tout simplement. Un documentaire animalier était en cours de diffusion, un truc sur les ours polaires. On en voyait un qui chapardait dans des poubelles. Puis après un autre abattu par des gens qui avaient eu peur. Il y avait des policiers de là-bas autour de l’ours. Il n’y avait pas de son. Elle revint habillée de ville.

“Comment s’est passé ton retour la dernière fois” La conversation était engagée. Elle devait durer jusqu’au souper.

Quand j’évoquai son ex, elle m’expliqua qu’il l’avait appelée pour s’excuser et lui demander une seconde chance, qu’elle lui refusa. Il promit de ne plus l’appeler à ce sujet. J’en sourit. Le reste occupa notre longue conversation. Elle n’avait pas chômé non plus, elle fit de nombreuses rencontres de son côté. La dernière se finit en boîte au petit matin, tout à l’heure. Rien de passionnant, mais un bon moment d’éclate. Elle avait dansé toute la nuit avec un groupe d’élèves d’une école de commerce qui fêtait la quille. Une des jeunes diplômées vivait près d’ici, elle étaient rentrées ensemble. Il y avait eu un trouble. Quelque chose qu’elle n’avait jamais ressenti pour une fille. Enfin si une fois, c’était il y a longtemps, quand elle était au lycée. Pour le coup, je fis un peu la gueule, sans vraiment m’en apercevoir. C’est elle qui m’en fit la remarque. “C’est courant tu sais.”

Je ne savais pas cela. Nous partîmes sur une conversation un peu tendue sur l’homosexualité qu’il fallut rattraper par une décision importante, que manger? Et où? Un dimanche soir, c’était pas gagné de bouffer dehors. Elle proposa des pâtes, chez elle. Je me proposai pour faire la sauce. Ce qu’elle refusa disant qu’elle avait une recette spéciale et qu’elle faisait très bien les pâtes, ce à quoi je répondis que bon d’accord, mais que je m’occupai du vin. Elle refusa disant qu’elle en avait, et du bon, et que c’est elle qui invitait. Alors je fais la vaiselle. Nouveau refus. Elle avait un lave-vaisselle et ça suffisait comme ça, ça lui faisait plaisir de s’occuper de la tambouille mais je pouvais l’accompagner à la cuisine pour converser.

“Madame niet!” Le surnom la fit sourire.

Pâtes aux brocolis pour deux personnes, enfin pour deux personnes qui ont la dalle. 250 grammes de brocolis frais, 50 grammes de lardons, un peu d’ail (frais ou non, peu importe), des échalottes, de l’huile d’olive et 500 grammes de pâtes (comme ça il en reste pour le lendemain). Faire fondre les échalottes et l’ail dans l’huile à feu pas trop fort, sinon ça noircit, faire blanchir les brocolis bien lavés dans l’eau bouillante un peu salée, récupérer les brocolis et garder l’eau de cuisson (ne pas hésiter à mettre beaucoup d’eau), faire revenir les lardons avec les échalottes et l’ail quand ils ont commencé à fondre, ne pas oublier que les lardons sont gras, donc se calmer sur l’huile. Mettre les pâtes dans l’eau, choisir des pâtes de qualité, De Cecco ou Barilla, et plutôt des spaghettoni c’est plus sympa, ça tient bien en bouche et ça s’enroule autour des brocolis. Faire revenir les brocolis un peu cuits avec les lardons et le tremblement, il faut bien le calculer, la cuisson des brocolis doit s’achèver sans faire bouillir les lardons, c’est un coup à prendre, et assaisonner à son goût. Une fois les pâtes cuites (al dente hein!), un peu d’huile d’olive pour démêler tout ça, puis on verse les pâtes dans la poêle, et on achève de finir tout ça ensemble. On sert avec un peu de parmesan râpé, et on mange. Avec un rouge léger c’est farpait.